Les mutations du droit international:Un droit uniforme, unidirectionnel et impérialiste
Depuis la deuxième guerre mondiale, la société internationale et les relations internationales étaient de facto façonnés par des rapports des forces plus ou moins équilibrés entre le bloc socialiste et le bloc capitaliste. Dans cette période, l’une des caractéristiques du droit international était sa nature hétérogène et relativement pluraliste, essentiellement dans la période où le poids des nouveaux Etats indépendants commençait à peser sur la balance des relations internationales. Droit à la nationalisation, droit à l’expropriation, droit des peuples sur leurs ressources naturelles, contrôle des activités des firmes transnationales, contrôle des capitaux et du transfert des capitaux, droit au développement, nouvel ordre économique international, étaient parmi d’autres, autant de composants qui caractérisaient les rapports internationaux et la régulation juridique de l’époque.
Après les changements substantiels avec la disparition du bloc socialiste, nous avons assisté à des changements de fond de la régulation juridique et politique internationale : le droit international construit d’après deuxième guerre mondiale connaît une dégradation généralisée et, celle- ci a des répercussions directes sur le droit interne des Etats, spécialement en ce qui a trait à l’exercice des compétences des pouvoirs publics. Ce changement est encore plus visible sur l’Etat, formellement, sujet privilégié des relations internationales. Si dans la période allant des années 70-80 le rôle de l’Etat en tant que régulateur des rapports sociaux était revendiqué ouvertement [1] , de nos jours le rôle social de l’Etat se trouve profondément érodé par l’offensive idéologique et politique du capitalisme. Cette offensive a eu comme conséquence un vrai recul des fonctions de l’Etat, principalement en ce qui a trait à l’exercice traditionnel de ses compétences. Le rôle des pouvoirs publics se réduirait à réguler juridiquement les privatisations et la vente des biens publics aux transnationales (entreprises d’Etat rentables), à gérer les « restructurations » qui entraîne le licenciement des employés et ouvriers, etc. Les pouvoirs publics perdent ainsi la maîtrise des politiques économiques, sociales et financières. Notamment, en tant que facteur politique et social de régulation, l’Etat a perdu son rôle de redistributeur des richesses par la politique fiscale, celui de la mise en place des politiques d’emploi( fin du droit au travail), parmi d’autres. En un mot, l’Etat est réduit au rôle de gardien des intérêts privés. Et le pouvoir politique, enfoncé dans une profonde crise de crédibilité et de légitimité, est le facteur qui véhicule « les valeurs » du capitalisme et les mots d’ordre : compétitivité, récompense des performants, responsabilité individuelle, égalité des chances, dont le résultat pratique est l’accaparement de la richesse par une minorité.
L’ordre international n’est pas étranger à la restructuration du rôle de l’Etat et des pouvoirs publics. Sur le plan politique des relations internationales, la dégradation s’est encore aggravée par le fait de que les rapports sociaux internationaux et les relations internationales sont façonnés par une structure unipolaire caractérisée par le rôle dominant des Etats-Unis. La prééminence et la domination nord-américaines sont bien reflétées par la stratégie actuelle consistant dans le refus obstiné d’encadrer leurs actions
Action
Actions
Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
impériales dans la légalité internationale. Cette stratégie a des conséquences directes sut tout le système de sécurité collective construite après la deuxième guerre mondiale, mais aussi sur les règles du droit international en tant que système de régulation des rapports sociaux internationaux.
Si les Etats-Unis deviennent dans ce processus de déstructuration du « droit ancien » l’acteur étatique principal des relations internationales, leurs alliés et leurs satellites européens y participent activement dans la restauration d’un ordre mondial que l’on croyait disparu à jamais et définitivement enterré par l’histoire. C’est ainsi que sur la scène internationale revient avec force la notion très controversée d’Etats « civilisés » (de nature occidentale et porteuse d’ordre) et, les Etats et peuples « non civilisés » qui ne peuvent pas bénéficier de la protection du droit en général et du droit international en particulier, (c’est- à - dire, du droit modelé et forgé par la violence des puissances occidentales). C’est un vrai retour vers le future, retour vers le droit international dans ses sources originaires qui a dominé la scène internationale jusqu’à la moitié du 20e siècle, un système de droit essentiellement occidental et néo-colonial.
Dans ce cadre, les Etats-Unis et leurs alliées et satellites européens n’ont pas hésité à faire recours à des institutions de nature coloniale, telle l’occupation des territoires d’Etats souverains par le biais du régime de tutelle consacré par la Charte des Nations Unies à un moment où plus de la moitié des peuples de la planète était encore soumis à la domination coloniale occidentalo-européenne. Du Kosovo à la Bosnie, en passant par l’Afghanistan et l’Irak, néanmoins ce régime de tutelle peut être comparé plutôt au système de protectorat et du mandat mis en place par la Société des Nations entre les deux guerres qu’à celui crée par la Charte des Nations Unies.